Les plateformes numériques aussi démocratisées soient-elles, présentent de nombreuses disparités quant à leurs finalités, leurs propositions de valeur, leurs modes de fonctionnement et surtout leurs modèles économiques.
Nous pourrions définir ces dernières comme « étant des espaces en ligne où des internautes y convergent pour communiquer, s’exprimer, s’informer, consommer, créer, dénicher, matcher, localiser, connecter, interagir, […] afin d’y réaliser des transactions ». Ces plateformes façonnent nos modes de consommation, nos habitudes d’achats et nos comportements sociaux-culturels.
La notion de plateforme parfois confuse
C’est ce qui différencie les simples plateformes de mises en relation des véritables plateformes dites Marketplace qui se positionnent en tiers de confiance.
Elles offrent une expérience d’achat fluide et sans couture, incluant la transaction et les paiements ainsi que de véritables promesses pour tous les acteurs de sa chaîne de valeurs (à savoir : fournisseurs, partenaires, marchands, clients, prospects, logisticiens, etc.).
Le succès de ces plateformes repose tout ou partie sur la notion de mise en relation où chaque acteur est interdépendant l’un de l’autre. Ces plateformes dites « multifaces », dont la création de valeur est « autoalimentée par ses clients ou ses marchands (l’offre attire des clients qui génèrent du trafic ou qui attirent à leur tours de nouveaux marchands etc..), se doivent de bénéficier d’effets de réseaux afin d’exister, de perdurer et un jour espérer devenir leaders (stratégie du « winners take all »).
Les différentes typologies de plateformes numériques
Les « entreprises plateformes » : Entreprise reconnue avant tout en tant que plateforme et qui possède une assise notable sur son écosystème (Ex : Amazon, Uber, Facebook, Netflix, Airbnb, Booking.com, Doctolib).
Les plateformes digitales : Digitalisation de l’activité traditionnelle par des retailers historiques déjà bien ancrés sur leur écosystème. Les plateformes numériques constituent un levier de digitalisation important pour étendre leur champs d’action, agrandir la zone de chalandise (nouveaux marchés), capter durablement du trafic, convertir, fidéliser, etc. (ex : Metro, Fnac-Darty, Office Dépot, Nature et Découvertes).
Les plateformes IT : Structure technique, équivalant à des qui facilitent la dématérialisation ou l’implémentation de nouvelles solutions technologiques, workflows ou de services (Ex : Zapier, AppStore, FranceConnect, Marjory etc.).
Les plateformes business : Elles sont le fruit d’une stratégie portée par un acteur référent de l’écosystème ou par un nouvel entrant. Ce type de plateforme permet de conquérir de nouveaux gisements de revenus sur un marché encore accessible, d’améliorer l’expérience utilisateur, de contourner les circuits de distribution traditionnels (Ex : Stootie, DigitalInsure, Cityscoot, Lime, Proshop FFT, CCI Store, RungisMarket, StationOne, Organix etc.).
Elles peuvent également émerger en cas de dérèglementation d’un marché.Parmi ces différents exemples nous retrouvons notamment de nombreuses plateformes Marketplace qui se basent sur un modèle d’affaires dit de « courtage ».
Les modèles économiques devenus « standards »
Les modèles de revenus des plateformes numériques sont assez relativement disparates et parfois méconnus du grand public
Le modèle traditionnel d’achat/revente direct(e) de produits ou de services (absence d’intermédiaires) : dans ce cas de figure, l’opérateur de la plateforme prend en charge l’intégralité de la transaction et des risques associés à savoir : le sourcing et la contractualisation avec les fournisseurs, le stockage (y compris le surstockage) des produits, la mise en avant des produits, la communication, les transactions, les paiements, et le SAV etc.
La commission (modèle de courtage) : mécanisme applicable dans le cas des Marketplaces (place de marché), lorsqu’un opérateur met en relation un vendeur avec un acheteur. Pour chaque transaction réalisée sur sa plateforme, l’opérateur de la place de marché applique une commission (au vendeur).
A titre d’exemple, sur une transaction à 100€ (réglée par le client), l’opérateur prélèvera 10% du prix de vente (10€) et reversera donc 90€ au marchand (indirectement via l’opérateur de paiement). La commission est généralement fixe selon la catégorie de produit ou de service et fait l’objet d’une négociation bipartite entre l’opérateur et le vendeur.
Les abonnements : ils sont assez réguliers et relativement courants sur de nombreuses plateformes car ceux-ci permettent d’obtenir une récurrence de revenus assez importante, des marges intéressantes ainsi qu’un engagement de la part des clients.
Ils peuvent s’appliquer aux clients (ex : Netflix) mais également aux parties prenantes telles que les marchands, les logisticiens, les partenaires etc.
Le « Pay as you go » autrement dit : le paiement à la demande ou à l’usage. C’est le modèle notamment des VTC ou des opérateurs de mobilités urbaines comme exemple les trottinettes (Lime, Bolt etc.)
Le « Freemium » : une partie de la plateforme est en accès libre et gratuit. Toutefois, l’accès à certains contenus ou fonctionnalités devient payant (ex : Spotify, Soundcloud, Deezer).
La régie publicitaire : modèle où la plateforme est totalement gratuite et la mise en avant de de contenus éditoriaux, publicitaires ou de produits est souvent monétisée par le gestionnaire de la plateforme (ex : habillage de sites, annonces Leboncoin, Google Adwords etc.).
Le financement de la plateforme est donc basé sur de la publicité en monétisant son trafic auprès d’annonceurs clients, de marchands, d’annonceurs…
La monétisation des données (Data Monetization) : échanges ou ventes de données (navigation, comportementales, personnelles) avec un partenaire commercial.
Le modèle « low-cost » ou l’excellence opérationnelle : l’idée étant d’attirer le chaland en proposant une offre attractive en termes de prix par rapport à la concurrence tout en conservant des marges importantes grâce à l’allégement des activités et des ressources clés (cf. Business Model CANVAS) : self-services, montages par ses propres moyens, logistique peu flexible, délais de livraison très long etc.).
Les enchères classiques ou les enchères inversées : mécanisme selon lequel le prix de vente n’est pas connu à l’instant T.
Le modèle dit de l’ « imprimante » : l’objectif étant d’acquérir un client sur un premier achat avec une marge faible afin de commercialiser, dans un second temps, un produit ou un service avec une marge beaucoup plus intéressante, tout en essayant de l’engager dans la durée (Nespresso avec ses capsules de café ou encore les opérateurs téléphoniques lançant des prix attractifs sur les terminaux mobiles).
Ventes de produits ou de services : La finalité première n’étant pas la vente directe du produit. En effet, il est fréquent pour des opérateurs de plateformes de vendre, dans un second temps, des produits ou services connexes à un produit où des produits complémentaires de l’entreprise.
Nous observons de plus en plus de produits financiers qui constituent une source notable de revenus : crédits, délais de paiement, assurances crédit, assurances liées à un produit ou à un service (ex : assurance retard dans le cadre d’un déplacement en train ou en avion).
Autre exemple frappant, la stratégie d’Amazon qui utilise sa plateforme Marketplace pour générer du trafic, capter des lead et fidéliser ses clients pour, in fine, commercialiser ses services Prime ou vendre Amazon Web Service (AWS), services le plus rentable du groupe.
Les nouveaux modèles économiques (modèle de revenus)
Les nouveaux concepts et propositions de valeur qui émargent engendrent de nouveaux modèles de revenus souvent très attractifs et s’avèrent de plus en plus créatifs
L’économie collaborative : il s’agit d’un modèle socio-économique reposant sur l’échange et le partage de produits, de services, de connaissances, de temps, incluant ou non une transaction pécuniaire.
Elle est très répandue dans des secteurs ou des domaines regroupant un ensemble d’individus ayant des convictions ou des intérêts communs (par opposition au mode de consommation individuel) comme l’écologie, la santé (exemple les services à la personne), le logement (location entre particuliers), le transport (le covoiturage, le prêt de véhicules etc.), l’alimentation (l’avènement des circuits courts), l’habillement, le tourisme, l’emploi…
L’économie circulaire : selon le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, l’« économie circulaire » consiste à produire des biens et services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets. Il s’agit de passer d’une société du tout jetable à un modèle « économique circulaire ».
Les acteurs du « verdissement de l’économie sont nombreux : Organix (gestion des déchets organiques de Suez), Ecosystem (appareils électriques et ampoules) ou encore Materrio et Backacia (recyclage et valorisation des déchets des chantiers de construction).
Les green « business model » : « vert » qui intègre dans le modèle économique une dimension éco-responsable très forte.
Il peut prendre différentes formes : la vente de produits écologiques, impacts écologiques faibles (impacts carbone) sur toute la chaine de valeur (exploitation matières premières, production, transport, inclus), redistribution des bénéfices à des acteurs du développement durable ou des associations, emploi de ressources humaines locales, modèle d’économie circulaire etc.
Le taux commission dynamique : il peut être fonction des performances de la plateforme, condition d’une variable inconnue à l’instant T ou condition à un scénario.
Exemple : le trafic du site, le volume de ventes, la saisonnalité, la qualité de la prestation et du SAV, la typologie de l’acheteur (particulier ou professionnel). Plus difficile à mettre en œuvre, il n’en demeure pas moins intéressant pour se différencier de la concurrence.
Economie ouverte ou crowdsourcing : production collective qui consiste à faciliter la collaboration collective (souvent gratuite mais parfois rémunérée) autour d’un produit ou la réalisation d’un service auprès d’un groupe d’individus ou de partenaires externes.
Ces derniers sont valorisés soit par par une rémunération, des commissions, l’accès à des contenus ou encore par des fonctionnalités avancées.
La désintermédiation ou circuit court : c’est la grande tendance du moment. Celui-ci vise à réduire un maximum d’intermédiaires tout au long de la chaîne de valeurs d’un produit ou d’un service. L’objectif consistant à être le plus direct possible jusqu’au consommateur final.
Exemple : du producteur à l’assiette. Même si l’ironie voudrait qu’une plateforme numérique soit un acteur intermédiaire, il reste néanmoins un moyen facile et intéressant pour bouleverser les circuits de distribution traditionnels, et ce, par le biais du digital.
La revalorisation ou la « seconde vie » : Eviter le gaspillage en redonnant une vie aux objets de la vie courante comme le téléphone mobile, les ordinateurs, les textiles, la maroquinerie etc. Exemple : BackMarket (reconditionnement des téléphones), Levi's SecondHand ou encore FNAC 2.
Le modèle « Win-win-win » : Ce modèle consiste à redistribuer le fruits des ventes auprès des partenaires, des fournisseurs, des artistes, des marchands, des adhérents (centrales d’achat), de la communauté d’experts.
TheBookStore en est le parfait exemple en proposant un modèle très novateur : rémunérer sa communauté de libraires qui ne possèdent aucuns produits de la plateforme mais qui font uniquement des recommandations sur les livres de leurs boutiques virtuelles. Une idée qui a su faire des adeptes aux US pour lutter contre l’hégémonie d’Amazon surtout lors les périodes de confinement induites par la COVID-19.
La rareté organisée : Provoquer naturellement la disponibilité de ses produits afin de générer un effet de désir important chez le consommateur, ce qui permet notamment de justifier des prix de ventes élevés (ex : la marque Suprême).
L’économie de la fonctionnalité de la coopération : mécanisme selon lequel on privilégie l’usage plutôt que la vente du produit en lui-même.
Il vise à développer des solutions intégrées de biens et services dans une perspective de développement durable qui établit une nouvelle relation entre l’offre et la demande.
Par exemple, il est possible de louer un vélo plutôt que de le vendre. Par ailleurs, ou encore un fabricant de pneu propose de facturer ses utilisateurs au km parcouru tout en restant propriétaire de ses produits.
L’économie sociale et solidaire (ESS) : il s’agit d’un modèle assez fréquent où un ensemble d’organisations cherche à développer une activité économique et une équité sociale tout en prônant la recherche d'une utilité collective, la non-lucrativité ou la lucrativité limitée.
Exemple d’application : l’épargne solidaire, le commerce équitable, la protection de l'environnement, la lutte contre l'exclusion, l’emploi et l’insertion professionnelle, la santé ou encore l'égalité des chances.
Sponsoring d’influenceurs : Ce sont les nouveaux représentants des marques sur les réseaux. Ils peuvent devenir les ambassadeurs d’une marque moyennant rémunération ou avantages.
La création de communautés : dans un monde de plus en plus digital où les interactions sont instantanées, il s’avère vital pour certaines entreprises ou marques de créer des communautés d’utilisateurs qui participeront de façon indirecte à la promotion des produits ou des services (ex : les communautés autour des jeux vidéo).