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Planifier, oui mais comment ?

Si la plupart des entreprises s’efforcent de structurer une démarche pour la gestion de leurs données, peu d’entre elles ont spécifiquement formalisé une stratégie dans ce domaine. Définir une approche claire et pragmatique dans une stratégie en Data Management, favorisant l’obtention rapide de résultats, constitue donc l’un des défis majeurs auxquels sont confrontés tous les professionnels impliqués dans la gestion des données.

Et pour cause, la gestion des données est un champ d’expertise complexe et difficile à appréhender. Le Data Management Body of Knowledge (DMBoK), qui est le référentiel de bonnes pratiques faisant autorité en la matière, définit la gestion des données à travers 11 domaines thématiques. Rien que ça !

Une autre difficulté réside dans l’aptitude des organisations à bien saisir les interconnexions pouvant exister entre la stratégie de gestion de données d’une part, et la stratégie informatique, la stratégie d’entreprise ou la gouvernance des données d’autre part.

La question est donc posée : qu’est-ce qu’une stratégie de gestion des données et comment la développer ?

Les éléments d’une stratégie de gestion des données

Une stratégie de gestion des données (ou stratégie data) est un ensemble de choix et de décisions qui définissent un plan d’action global pour atteindre les objectifs d’entreprise en utilisant efficacement les données. Une stratégie de données bien développée nécessite des objectifs clairs, des mesures de succès, et une bonne compréhension des besoins de l’organisation en données. Elle doit également aborder les défis liés à la gestion des données et définir les solutions qui vont permettre d’améliorer les pratiques en agissant sur l’organisation, les processus et les outils informatiques.

On l’aura compris, la stratégie amorce le développement d’une capacité en Data Management. La gestion des données est constituée de processus d’ingestion, de stockage, d’organisation et de maintenance des données créées et collectées par une organisation. Sa mise en œuvre débute par une définition de la stratégie qui fixe les orientations concernant la façon dont l’entreprise utilise ses données pour atteindre ses objectifs.

La stratégie définit donc la feuille de route pour le développement de pratiques matures en Data Management. Elle permet de répondre aux questions : Pourquoi les données sont-elles importantes ? et Comment l’organisation peut-elle tirer profit de ses données ?

Elle va se construire et s’organiser autour de deux composantes essentielles :

  • La vision stratégique du Data Management : Cette vision globale définit les objectifs à long terme de l’entreprise en matière de gestion des données. Elle guide les décisions et les actions pour maximiser la valeur des données.
  • Le portefeuille des initiatives de Data Management : Ce volet opérationnel détaille les projets et les activités nécessaires pour mettre en œuvre la stratégie. Il permet d’aligner les actions concrètes avec la vision globale.
Contenu type d'une stratégie en Data Management présentant les éléments qui composent la et ceux qui définissent les projets.

La vision stratégique

Si la donnée doit être considérée comme un actif stratégique elle reste néanmoins au service des ambitions de l’organisation. Par conséquent, une stratégie de données ne doit jamais être formulée sans être guidée par les objectifs de l’entreprise.

C’est la vision stratégique qui va permettre d’établir le lien avec la stratégie globale. L’un des moyens de procéder à cet alignement stratégique est de commencer par identifier les principaux moteurs du changement ou enjeux métier pour la gestion des données. Ils peuvent être de nature interne (par exemple, l’amélioration des services aux usagers) ou externe (comme la conformité réglementaire en matière de gestion des données personnelles). Ce sont ces enjeux qui vont donner sa pleine légitimité à la stratégie de gestion des données.

Mais la vision doit être précisée et introduire un ensemble des principes/objectifs de gestion des données qui vous soutenir les moteurs de changement hérités de la stratégie d’entreprise. Si l’on reprend, par exemple, l’enjeu d’amélioration des services aux usagers, un des objectifs de gestion des données pourrait être « Favoriser le partage de données de qualité entre unités organisationnelles ».

L’ensemble de ces principes/objectifs de gestion constitue la proposition de valeur de la capacité en gestion de données. Notons qu’on parle ici d’objectifs de gestion, mais on pourrait employer le terme « but » car à ce stade de la réflexion les objectifs sont des intentions ou des accomplissements à long terme qui sont à reprendre et à développer dans le deuxième volet de la stratégie.

Le portefeuille des initiatives et la roadmap

La stratégie aboutit à un programme. Il s’agit du plan de développement des capacités en gestion des données aligné sur la vision stratégique. Il détaille les projets à mener pour améliorer la valeur d’usage des données tout en atténuant les risques connus et implicites.

Les projets ou initiatives qui composent le programme de Data Management doivent être suffisamment précis quant à la nature et l’ampleur des travaux à engager. Ils sont suffisamment spécifiques pour être associés à une et une seule capacité de gestion des données et sont formulés de manière à pouvoir être rapidement actionnables. L’utilisation d’objectifs SMART (Spécifique, Mesurable, Acceptable, Réaliste, Temporellement défini) pour documenter le portefeuille des initiatives est recommandée. Un projet contribuant à l’objectif de gestion « Favoriser le partage de données de qualité entre unités organisationnelles » pourrait être : « Déployer, d’ici 6 mois, le dispositif organisationnel permettant de conditionner le partage des données au respect d’exigences de qualité ». Il concerne non pas la capacité « Gestion de la qualité » des données mais la capacité « Gouvernance des données ».

Dans les faits, le projet est lui-même défini sur deux niveaux : la formulation d’un objectif SMART à laquelle on associe l’ensemble des actions nécessaires à l’atteinte de l’objectif de gestion des données. Ces actions déterminent la solution à implémenter pour l’objectif visé. Elles ne se limitent pas à la mise à disposition d’outils informatiques. Il est d’abord question, et de manière plus générale, d’améliorer les processus, les compétences et l’organisation relatifs à la gestion des données.

Pour aller plus loin.

Les deux parties que nous venons de décrire forment le dénominateur commun à toutes les stratégies de gestion des données. Mais il est possible d’aller plus loin, en complétant la vision et le portefeuille par des éléments qui précisent les contours du programme et que l’on retrouve habituellement dans une charte de projet, à savoir : les bénéfices et les indicateurs clés de succès, les facteurs clés pour la réussite du programme, les prérequis organisationnels et techniques, les ressources financières et humaines, les risques majeurs et les mesures de mitigation associées.

De mon côté, j’ai pris le parti de rester simple afin de proposer des éléments de méthode accessibles à tous. J’évite d’inclure dans un document de stratégie data des aspects qui sont déjà pris en charge et documentés ailleurs dans le cycle de vie des projets. Le seul thème qui, de mon point de vue, pourrait être ajouté concerne la description de l’organisation de la fonction Data Management.

Construire le portefeuille des initiatives

L’audit de maturité.

L’objectif principal d’une évaluation des capacités en gestion des données est d’évaluer l’état de maturité actuel des pratiques afin de planifier leur amélioration. L’évaluation place l’organisation sur l’échelle de maturité en clarifiant les forces et les faiblesses spécifiques à chacune des capacités. Elle aide l’organisation à identifier, hiérarchiser et à mettre en œuvre les axes d’amélioration.

L’audit de maturité a donc toute sa place dans la réflexion qui accompagne la définition d’une stratégie data. Les objectifs de gestion des données qui composent la proposition de valeur sont utilisés pour délimiter le périmètre d’analyse. Seules sont considérées et évaluées les capacités susceptibles de contribuer à la réalisation de la vision.

Décomposition, selon Redsen, du Data Management en 7 capacités.

Exemples de capacités en gestion des données utilisables pour formuler des objectifs et réaliser un audit de maturité.

De cette manière, l’audit de maturité participe directement à la construction du portefeuille des initiatives du programme. L’évaluation et le portefeuille partagent la même carte des capacités en Data Management. En outre, les évaluations réalisées durant la définition de la stratégie peuvent être utilisées pour suivre les progrès réalisés au fil du temps. Pour un point de vue plus approfondi, voir : Data Management – Evaluer sa maturité.

L’étude des problèmes et des opportunités

Le recours à l’audit de maturité pour identifier des axes de progrès sur les différentes capacités de gestion des données est une approche intéressante et même nécessaire, mais qui présente toutefois l’inconvénient d’être déconnectée des réalités opérationnelles. Elle nous permet d’évaluer si les différents acteurs de l’entreprise gèrent les données selon des pratiques à l’état de l’art, mais pas davantage. Plus précisément, elle nous amène à identifier des facteurs de risques sans pour autant confirmer la réalit des difficultés rencontrées par les utilisateurs de la donnée.

C’est la raison pour laquelle il est important de poursuivre la réflexion en menant des analyses complémentaires visant à détecter les problèmes ou les opportunités liés aux différents usages de la donnée. Dans la pratique, il s’agit de conduire des ateliers avec les acteurs métier afin d’identifier les besoins concernant les données mises en jeu dans les flux de valeurs qui réalisent les produits ou les services de l’entreprise. Les techniques d’analyse d’impact permettront de hiérarchiser les besoins identifiés durant l’exploration des différents flux de valeur.

Les deux types d’analyses se complètent parfaitement. Les projets quick win, qui devront figurer en priorité dans le portefeuille, sont ceux qui répondent à des besoins prioritaires et pour lesquels des leviers d’action évidents auront été révélés via l’audit de maturité.

 

 

En conclusion

À l’ère du numérique, les données sont devenues un atout inestimable pour les entreprises. Néanmoins, la plupart peinent encore à exploiter pleinement le potentiel de leurs données. C’est à ce moment que la définition d’une stratégie de gestion des données prend tout son sens.

Elaborer une bonne stratégie de gestion des données est un exercice qui requiert un peu de travail, mais le défi est loin d’être insurmontable, bien au contraire. L’expérience nous enseigne qu’il suffit de respecter deux règles simples : développer une bonne compréhension des objectifs d’entreprise et des besoins en données, et rester simple dans l’articulation des éléments qui composent la vision et le plan d’action. De cette manière, il est tout à fait possible d’orienter les efforts à produire vers le développement des capacités qui, dans le contexte actuel, comptent le plus pour l’organisation.

 

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