La CNIL publié une nouvelle réglementation concernant les cookies et autres traceurs, le 1er octobre 2020. Ce sujet sensible, devenu régalien par la CNIL, est au cœur de toutes les entreprises qui bénéficient du commerce en ligne. Ces obligations sont devenues coercitives auprès des clients et des départements Marketing qui souhaitent analyser les performances marketing et les données Analytics récoltées. Cela leur permet d’optimiser et de mieux comprendre le comportement de ses prospects ou clients, mais surtout d’afficher de la publicité personnalisée.
L’entrée en vigueur du RGPD (Rglement Général sur la Protection des Données) au printemps 2018 devait permettre le contrôle sur le recueil et l’utilisation de ces informations. Dans les faits, cela s’est traduit par une avalanche de fenêtres pop-up sur tous les sites navigués. Et souvent une grande difficulté, voire l’impossibilité totale, de refuser le pistage publicitaire. La CNIL française a donc durci sa réglementation. Une contrainte réglementaire pour les équipes marketing dans leur recherche insatiable de données sur leurs clients et prospects mais une réglementation qui améliore l’expérience utilisateurs avec une nouvelle gestion des cookies.
Deux changements majeurs induits par la CNIL
Concrètement, il y a deux changements importants. Premièrement, l’internaute doit être clairement informé sur les cookies et leur finalité sans détériorer leur expérience d’achat. Pour la CNIL, avant le 1er octobre 2020, le constat était alarmant sur la compréhension des visiteurs envers les fameux cookies… Deuxièmement, il doit être aussi simple de refuser les cookies que de les accepter pour le visiteur. Normalement un seul clic est requis pour accepter les cookies, mais plusieurs actions sont nécessaires pour déclencher un refus. Dans les faits, l’utilisateur est souvent induit en erreur et accepte les cookies par nécessité ou par obligation. C’est pour cela que la CNIL recommande que le CTA ‘Tout refuser’ soit proposé sur le même niveau et au même format que le CTA ‘Tout accepter’.
Il existe évidemment d’autres possibilités de se mettre en conformité réglementaire. L’avantage de cette recommandation est qu’elle est simple, explicite et claire pour les entreprises. Consciente des pièges du design, la CNIL recommande aussi de ne pas induire en erreur les utilisateurs avec des interfaces trompeuses, qui laissent penser aux utilisateurs que le consentement est obligatoire ou qui mettent visuellement plus en valeur un choix plutôt qu’un autre. Une méthode qui est amenée à disparaitre dans les prochaines années.
A noter également que désormais, les cases pré-cochées sont désormais à proscrire, l’utilisateur doit mentionner par un acte son consentement et la gestion des cookies doit toujours être accessible.
Quels impacts pour les acteurs du ciblage publicitaire ?
Ces règles doivent permettre aux internautes d’exercer un meilleur contrôle sur les traceurs et de clarifier un certain nombre de points afin que les éditeurs de site Web puissent répondre pleinement à la protection des données utilisateurs. Mais le défi s’annonce de taille pour les éditeurs et annonceurs qui ne voient pas d’un bon œil ces réglementations et pour cause.
Avec cette nouvelle réglementation, les éditeurs et les annonceurs craignent bien évidemment que la majorité des utilisateurs refusent les cookies tiers, qui constituaient souvent la contrepartie de la gratuité de services financés par les revenus de la publicité ciblée. On devrait donc assister à la fin de la publicité ciblée et du re-targeting. En effet ce type de publicité qui affiche des produits ou services sélectionnés en fonction des goûts et habitudes des internautes n’existe qu’avec l’utilisation des cookies.
Malgré les recommandations de la CNIL simples à mettre en place ces nouvelles réglementations ont été attaquées en justice. En effet, la peur s’installe dans le monde du marketing digital, la peur de ne plus pouvoir s’appuyer sur les cookies qui semblent indispensables pour le ciblage publicitaire. Il est temps pour ces acteurs d’utiliser de nouvelles méthodes de ciblage. En effet il y aura automatiquement plus d’internautes plus enclins à refuser le traçage, ce qui devrait mettre à mal la souveraineté des acteurs dominants, entrainant ces derniers à renouveler leur modèle économique afin de perdurer.
Les sites internet avait donc jusqu’à mars 2021 pour se mettre en conformité sous peine de sanctions financières importantes. Les amendes peuvent atteindre jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel d’un site. Et les premières sanctions sont déjà tombées : la CNIL, a annoncé en décembre 2020 infliger des amendes de respectivement 100 millions et 35 millions d’euros à Google et Amazon pour non-respect de la législation sur les cookies, les traceurs publicitaires. Ce qui devrait faire réfléchir les entreprises les plus réticentes à ces nouvelles règles.
Comment être moins dépendant des cookies
Sans cookies, on ne peut donc plus cibler les utilisateurs en fonction de leur historique de navigation, impliquant la fin du re-targeting. Est-ce un retour en arrière ? Pas vraiment. En réalité le ciblage publicitaire peut encore survivre malgré les nouvelles règlementations.
Par exemple, Google et Facebook n’ont pas attendu la régulation pour en finir avec les cookies. Ils disposent déjà d’autres types de données, les données loguées (données utilisateurs que l’utilisateur consent à partager lors de la création de compte) pour identifier et cibler les utilisateurs. Pour les autres acteurs du ciblage publicitaire, une autre solution existe. Ils peuvent créer des partenariats entre médias avec un mode de connexion partagé permettant le ciblage cross-site (Single Sign-On). Ou encore via consortium d’acteurs du marché comme le W3C (ex : Google Chrome) ou le PRAM qui cherchent à construire un écosystème de ciblage commun à tous les navigateurs.
Dernière alternative qui pourrait se développer fortement : le ciblage contextuel, enrichi grâce à l’IA qui permet un ciblage publicitaire sans avoir besoin d’identifier l’utilisateur.
Finalement, la suppression annoncée des cookies ne sonne pas la fin de la publicité ciblée. Il y a désormais de nouvelles manières de cibler : via le ciblage contextuel intelligent et via le ciblage personnalisé, reposant sur une nouvelle clé d’identification, et respectueuse de la vie privée.